Elle donnait le soir même un concert dans la salle du liburnia à Libourne. Cette chanteuse native
de Libourne se confie à quelques dizaines de minutes de son entrée en scène.
Son album "tantôt rouge tantôt bleu" avec des chansons de Rezvani a reçu
la grand prix de l'académie Charles Cros.
Thierry: A quelques minutes de votre entrée en scène, dans quel état d'esprit êtes vous?
Mona: (rires) Je suis très heureuse d'être là, j'ai toujours un peu le trac comme tous les artistes, mais il faut
apprendre à maîtriser ce trac parce que quand on a peur du public on est mauvais. C'est vrai que quand on
arrive dans une salle pleine, les gens qui sont là sont bienveillants à votre égard, ils aiment les chansons,
il n'y a pas de raison d'avoir peur d'eux.
Thierry: Vous êtes une artiste à part entière, vous venez du milieu du théâtre où vous avez débuté avec
Jérome Savary et j'imagine que la vie au Grand Magic Circus c'était le spectacle avant tout.
Mona: C'était le tourbillon à tout moment. J'ai fait partie de la troupe pendant de nombreuses années,
je suis souvent venu jouer à Bordeaux. Je me souviens que nous avons joué à l'Alambra où la police à dû faire évacuer la salle, tellement il y avait du monde, et nous avons donné le
spectacle dans la rue. J'ai appris mon métier au Magic Circus, c'est un métier d'artiste de music hall : chanter, danser, jouer la comédie.
Maintenant, ce que je fais seule, c'est autre chose. Les années m'ont donné envie de faire de vrais choix et
il se trouve que j'ai rencontré ce poète merveilleux qui s'appelle Rezvani. Ses chansons sont très peu connues, on connaît le tourbillon parce que Jeanne Moreau l'a enregistré, on ne sait pas que
Basiak (Rezvani avait signé ces chansons avec ce nom) était ce grand écrivain, grand peintre et grand poète qui avait écrit ces chansons il y a 30 ans et qu'il les considère comme des chansons
"d'amateur". Il a souffert du succès de quelques titres et de la manière dont elles ont été enregistrées. Il me dit , "avec toi après 30 ans d'amnésie je retrouve mes chansons telles que je les
ai composé", à savoir tout simplement. Sur scène je suis juste accompagnée par un pianiste. Le fait de venir du théâtre m'aide beaucoup, je suis plus une femme qui chante qu'une chanteuse. Tout
mon plaisir c'est de chanter ces textes et les mots de Rezvani qui sont simples et disent des choses d'une telle profondeur que c'est souvent bouleversant. Il a écrit aussi des chansons très
drôles, et aussi de nouvelles chansons pour moi. Depuis un an il en a écrit plus de 20, nous devons les enregistrer en début d'année prochaine.
Thierry: C'est en 1994, à l'occasion d'un spectacle cinématographique que vous découvrez la chanson
du film "Pierrot le fou" chantée par Anna Karina. Comment vous expliquez un tel succès avec des chansons
des années 60-70 ?
Mona: C'est parce que je les ai "revisité", je leur ai rendu leur simplicité et dans le tour de chant de 1994
il y en avait une de Rezvani. J'ai lu ses romans, son théâtre, j'ai découvert l'homme. Je me suis intéressée
de plus en plus à ses chansons, elles datent des années 60 mais je les ai remises au goût du jour. Elles ne sont pas à la mode mais ne se démoderont pas. Celle que Jeanne Moreau a enregistré dans
les années 70, il y a des arrangements qui sont très vieux, aussi il faut dire que Jeanne chante les chansons d'amour avec un peu de cynisme, avec un côté un peu acide, moi je les chante avec
beaucoup de sentiments et simplicité.
Thierry: C'est rare un artiste qui trouve le compositeur "idéal".
Mona: Oui, c'est l'une de mes plus belle rencontre, qu'un poète rencontre une interprète et qu'une interprète
rencontre un poète c'est unique. Prévert écrivait pour des chanteurs mais qui écrit maintenant pour des chanteuses?
Rezvani est un vrai poète. Nous en sommes tout les deux à nos débuts ; il me dit "j'ai envie que tu fasses connaître mes textes".
Thierry: avec des mots simples, un piano et votre voix l'album "tantôt rouge.." a reçu 3 grands prix,
comment vous les avez reçu ces prix?
Mona: c'est encourageant comme toutes les lettres que je reçois de gens qui ont écoutés le disque, ils me
remercient car ils ont besoin de choses simples. Entre l'univers de Rezvani et mon passé de femme ça colle à merveille, je n'aurai pas pu les chanter il y a 30 ans. Je suis comblée, et en plus il
continue d'écrire pour moi.
Thierry: Mona, il y a un petit côté familial dans le concert de ce soir puisque cette ville vous a vu naître?
Mona: il y aura toute ma famille et des amis d'enfance qui vont se pointer et je ne vais peut-être pas les reconnaître. C'est touchant pour moi de revenir dans ma ville natale.