L'artiste Colombien était à Libourne pour un concert salle du Liburnia le soir même. Il a reçu notre équipe dans sa loge à quelques minutes de son entrée sur scène.
Thierry Buffetaud: Dans quel état d'esprit es-tu à quelques minutes de ton
entrée en scène?
(après avoir informé Yuri que la salle serait comble pour son spectacle et que les organisateurs ont fait démonter
des sièges pour faire entrer tout le
monde.)
Yuri Buenaventura: Ce théatre est trés beau, le bois du plancher a l'air d'avoir
porté beaucoup d'artistes, la scène et les coulisses portent la vie. Quelqu'un m'a expliqué que pendant
l'invasion des Allemands, le théâtre de Bordeaux était occupé et les comédiens venaient ici, je ne reste
pas indifférent à cette histoire. Quand on rentre dans cette salle on sent beaucoup d'amour, elle me
remplit de sensations , je regrette un peu qu'ils aient enlevé des fauteuils, cela défigurele théatre. Bon
si ça permet aux gens de danser je m'y ferai? (rires...)
Thierry: Tu as parcourru un long chemin depuis 1988, époque où tu chantais dans
des clubs Salsa de Paris?
Yuri: Ce chemin n'a pas été dur, on a l'impression que parce-que je jouais dans
des lieux enfumés ou que je faisais la manche dans le métro pour pouvoir survivre que c'était dur mais j'ai
parcourru cette route avec foi et avec conviction de l'amour à l'humain, c'est plutôt un beau parcours. En
dehors de ça, ce sont des dates historiques pour moi et qui ont aucune importance, j'ai chanté avec machin
ou un autre, c'est la vie et rien de plus. J'ai envie de vous dire que c'est un chemin beau par la
générosité du public, beau pour les lieux que l'on visite et les rencontres.
Thierry: Tu dis que la Salsa c'est autre chose que des cartes postales avec des
palmiers et des filles sur les plages,
alors c¹est quoi la Salsa Yuri?
Yuri: La Salsa c'est le mélange, le brassage et la lumière pas le soleil, parce
que la lumière on peut la voir dans une journée grise. Je viens de la région la plus pluvieuse au monde, il
peut pleuvoir un mois sans arrêt et pourtant nous sommes trés chaleureux. Je pense que la Salsa est cette
lumière qui peut vivre en nous, même si on se trouve dans une prison, même si on vie dans la pauvreté ou la
guerre. Dans mon pays il y a une guerre interne, une révolution, il y a beaucoup d'affrontements armés mais
il reste la lumière.
Thierry: Ton dernier album (le second) "yo soy" parle principalement de l'être humain
et naturel, c'est undisque d'un homme de
combats?
Yuri: "yo soy", c'est "je suis" une réalité et non des
statistiques.
Thierry: Dans ton pays où il y a beaucoup de pauvres, tu dois être un symbole de
réussite? (la Colombie.)
Yuri: Notre pays est trés riche, il est exportateur de pétrole, de café... nous
avons 80 nationalités, elles sont richesmais ont été trahis par notre leader qui les a mis à genoux. Mon
message à moi n'est qu'amour c'est pas un vrai combat. Dans le milieu des musiciens on a donné un prix à
notre travail, j'ai appris cette nouvelle au téléphone il y a3 jours. Quand ta propre nation te donne son
aval cela rend ton travail légitime. En même temps on représente une avant garde de la Salsa en Europe,
c¹est un petit passage. Mon travail restera un petit moment dans une histoire humaine et musicale, il y a
des relais.
Thierry: Yuri tu es conscient que tu nous ouvres à la musique de ton pays et en
même temps tu ouvres cette musique à d'autres cultures, je peux citer comme exemple la
chanson avec Faudel qui mélangela Salsa et
le Raï.
Yuri: C'est l'esprit de la salsa. Je fais que m'habiller de Salsa, je suis au
début de ma carrière, je ne suis qu'à mon deuxième album. C'est comme si je montais des marches vers un
chemin je suis à la deuxième marche. Un jour j'ai rencontré un grand musicien de Salsa pour lui demander
conseil il m'a dit: n¹oublies pas à quel niveau musical tu es et restes à ta place. Je n'en suis qu'à mes
débuts.
Thierry: Ils sont prometteurs, Je sais qu'un de tes rêves est de rencontrer
Charles Aznavour, C'est fait?
Yuri: C'est toujours à faire, je le connais depuis mon enfance, en écoutant son
oeuvre je sens que je le connais,lui ne me connait pas ! J'ai découvert il y a peu de temps
Henri Salvadore avec : "Cendrillon...(Yuri chante)...et unechanson douce que me chantait ma maman..." c'est
trés jolie. Dans son dernier album une chanson trés belle dit :"un tour de manège de toi et moi avant qu¹il
neige, de phares de lumière...".
Thierry: Tu as, dans ton premier album, enregistré une reprise façon "Salsa" de
l'intouchable chansonde Brel: "Ne me quittes pas",
je n'ai trouvé aucune critique négative sur cette version, il en existe?
Yuri: Il y a un journaliste qui travaille pour un journal de Paris qui a dit des
choses trés désagréables sur moi.Il ne me connait pas, il ne peut pas dire du mal de moi. Il a dit du
mal sur mon travail, il ne connait pas mon coeur,il ne sait pas ce que je sens et parce qu'il a le droit
d'écrire sur une feuille de journal il peut se permettre de dire deschoses du haut de sa tour de
journaliste. Je ne l'ai jamais vu mais il se permet de dire des choses sans vérifier,c'est la seule fois
que ça m'est arrivé dans ma vie alors j'ai envie de parler avec lui.
Thierry: ça te fait mal mais c¹est certainement pas la dernière
fois?
Yuri: oui, mais si il n'aime pas mon travail il doit faire une recherche auprès de
moi. je suis certain qu'il ne connaitpas la Salsa de la manière dont il en parle. Je sais que ses critères
sont mal fondés et ça me fait mal de voir quel'on peut dire des mensonges comme des vérités. Bon, ça
m'encourage à travailler mais ça me rend triste pour lui.
Thierry: Yuri quels sont tes projets?
Yuri: Nous travaillons dans un studio qui appartient à notre chef d'orchestre, on
y préparre des maquettes dutroisième album que je veux plus ouvert à des sons nouveaux avec une section des
basses plus large, utiliserdes flutes... Aussi, j'ai rencontré Ismaèlo, un chanteur africain (Yuri chante:
africa...) il a un studio au Sénégalet j'ai envie d'aller enregistrer chez lui.
Thierry: La troisième marche est en construction mais je crois savoir que tu
aimes prendre du temps pour toi, comme quand tu vas voir les baleines (qui a une
époque de l¹année vienne dans la baie de buenaventura).
Yuri: Cette année je n'ai pas pu y aller mais je vais à côté de Panama à Porto
Buelo où je peux décrocher.En ce qui concerne les baleines, elles viennent dans la baie pour accoucher
depuis l'Antartique, elles font 8000kilomètres et sont là entre août et
novembre.
Thierry: Yuri merci de nous avoir reçu dans ta loge avant ce concert à Libourne, une
dernière chose,lorsque tu es sur scène quelle est
la chose la plus importante que tu souhaites dire à ton public?
Yuri: de ne pas avoir peur de nous, être humain et de se rencontrer sans
crainte.